D’après une étude réalisée par la plateforme digitale Qapa.fr, à compétences égales de nombreux critères subjectifs déterminent le choix final des recruteurs. Quels sont les critères les plus rédhibitoires pour un recruteur ? Pourquoi ces caractéristiques sont-elles particulièrement pénalisantes pour les candidats qui les présentent ?

Jean-Noël Chaintreuil : Cette étude pointe à juste titre quelques critères comme l’accent provincial, l’argot, le physique ingrat… Tout cela renvoie au fait qu’il y a aujourd’hui un grave souci en France, où nous sommes encore très influencés dans les processus de recrutement par le critère du diplôme.

L’accent provincial, par exemple, induit un biais inconscient  renvoyant au raisonnement « il est en province, donc il a fait une toute petite école, donc il est moins bien éduqué« . C’est très français : on préfère se baser sur des critères de non-compétences, comme si ça pouvait avoir un impact.

Dans quelle mesure certaines barrières subjectives, tel que l’habillement, peuvent être facilement contournées avec un peu de bon sens de la part des candidats ? Quels sont, en matière de tenue vestimentaire, les impairs à éviter ?

Hormis les critères inconscients ou compliqués à transformer (accent, physique, voix, etc.), il y a aussi un côté « facteur social ». Un proverbe dit « quand tu es à Rome, fais comme les Romains« . L’idée, c’est qu’il faut accepter les codes. La préparation, l’habillement, la coiffure, représentent aussi un message envoyé au recruteur en lui disant « je connais votre culture, donc je suis capable de comprendre les codes de votre société« . C’est un facteur très important. Il y a encore trop de personnes qui disent d’entrée de jeu vouloir casser les codes. Avant de vouloir casser les codes, il faut d’abord pouvoir les comprendre.

Les impairs à éviter, c’est évidemment de ne pas respecter les règles de politesse, de respect, de bienséance. Ne pas mâcher de chewing-gum, ne pas arriver en short et en tongs… Cela ne passe pas, quel que soit le poste.

Est-il possible de lutter contre la subjectivité dans un entretien d’embauche ? De façon un peu cynique, peut-on considérer que la seule chance de réussite des candidats est de « gommer » leur différence le temps de l’entretien ?

Il y a deux volets à aborder pour répondre à cette question. Il faut que chacun fasse un pas l’un envers l’autre.

Tout d’abord, les recruteurs doivent être mieux formés à accepter et à combattre cette subjectivité. C’est une vraie question de formation. On apprend à se défaire de certains codes, de certaines idées fausses, etc. Il faut déconstruire un certain nombre de choses pour pouvoir être beaucoup plus neutre.

Ensuite, pour les candidats, il faut « réviser », apprendre les codes de l’entreprise. Il ne faut pas se placer dans une optique de révolution, mais accepter les codes pour pouvoir mettre en avant ses compétences atypiques. C’est une erreur encore fréquemment commise.